Reaction de l'ANAPSY.pe au référentiel qualité

Auteurs : ANAPSY.pe
16 Septembre 2025

Citation - Tribune critique

Cette tribune ne refléte que l'opinion de ses signataires

L'ANAPSY.pe, c'est qui ?

L'’ANAPSY.pe a été créée le 20 janvier 1986 par des psychologues déterminés à témoigner de leur expérience dans les lieux de la petite enfance, pour faire entendre aux pouvoirs publics les enjeux psychologiques de ce que l’on offre à vivre aux enfants dans les premières années de leur vie, et défendre des modes d’accueil de qualité et des conceptions ouvertes de la prévention.

À propos du référentiel national de la qualité d'accueil du jeune enfant

Nous souhaitons rappeler ce que précisait notre contribution à la concertation : ce « référentiel ne devrait pas s’avérer trop prescriptif afin de prendre en compte les ajustements aux contextes, les différents modes d’accueils, et comment chaque professionnel, peut créer avec les autres un espace pour penser ou repenser ses pratiques ». Si ce référentiel peut inscrire des pratiques indicatives d’une meilleure qualité des modes d’accueil de très jeunes enfants, celles-ci dépendent pour la plupart de conditions bien identifiées : le nombre d’enfants par professionnel, leur niveau de formation professionnelle initiale et continue, des temps et des outils de réflexion régulière pour chaque professionnel et en équipe, le type de locaux, les systèmes de financements, et l’accessibilité pour les familles. Un ensemble qui, comme chacun le constate, peine à exister aujourd’hui, malgré les bonnes volontés.

Un référentiel accessible, qui ne remplace pas les formations

Le référentiel publié se présente sous la forme de fiches, ce qui en facilite la lecture. Il est accessible à tous les professionnels de la petite enfance, quel que soit leur niveau de qualification initial. Mais ceci ne signifie pas pour autant qu’un référentiel de bonnes pratiques puisse se substituer aux formations initiales et continues qui réglementent les métiers de la petite enfance et qui devront évoluer, compte tenu des besoins et de la complexité des savoirs nécessaires sur les spécificités du développement de la prime enfance, des interactions avec les parents, du travail en équipe, et d’ouverture sur l’environnement.

Le référentiel engage les professionnels à une pratique bienveillante auprès des tout-petits, c’est un présupposé de base. Il précise des points d’appui vérifiés :  la familiarisation, la reconnaissance de la place des parents au sein dans les lieux d’accueil, la référence qui favorise le tissage de liens stables et la construction d’une relation personnalisée et structurée avec l’enfant et la famille, qui contribuent fortement à la sécurité affective et au développement global harmonieux de l’enfant. Les professionnels y sont encouragés à parler aux enfants, par exemple :  « Ils nomment les objets qui environnent l’enfant et décrivent ses actions et ses activités. Ils évoquent les événements passés ou à venir, dans le lieu d’accueil (ce que l’on a fait, ce que l’on va faire) et en dehors du lieu d’accueil » (p. 41).

La nécessité d’une pluralité des approches

Concernant l’approche globale choisie par le Comité scientifique et sa constitution, en tant que psychologues cliniciens exerçant notamment au sein des lieux d’accueil de la petite enfance, mais aussi d’autres structures et institutions de l’enfance, nous savons combien les meilleures pratiques au quotidien se nourrissent d’une pluralité des disciplines et des approches théoriques. Nous savons aussi combien le renforcement des clivages théoriques s’avère à terme peu constructif, pour les premiers concernés : les enfants, leurs familles et les professionnels qui travaillent avec eux au quotidien.

Nous regrettons que cette pluralité d’approches ne soit pas représentée au sein du comité scientifique. Dès le premier comité de pilotage, l’ANAPSY.pe, avec d’autres organisations, avait d’ailleurs demandé qu’il puisse être ouvert à d’autres personnalités, exerçant ou ayant exercé au sein de divers lieux d’accueil de la petite enfance, permettant une diversité pluridisciplinaire d’approches théoriques, demande qui nous semble être restée lettre morte. Par conséquent, plusieurs passages semblent orientés selon des références restreintes ou univoques, quand d’autres références habituelles de la petite enfance ont disparu. A titre d’exemple, p.19, le mot « objet » a remplacé la notion winnicottienne d’ « objet transitionnel », notion pourtant fondamentale et présente au sein de nombreux projets pédagogiques et de formations. Par ailleurs, le mot « émotion » est ici sur-représenté, comme s’il venait traduire l’ensemble des manifestations psychologiques à comprendre et nommer chez le (très) jeune enfant… La question du « portage psychique », notion essentielle au sein des formations habituelles avec les professionnels de terrain, n’apparaît pas non plus.

Développement de l’enfant :
un référentiel qui gagnerait à s’appuyer sur d’autres recherches

Les avancées de la recherche sur le bébé, son développement et le rôle des interactions avec son contexte de vie, sont passionnantes et prometteuses, les recherches en neurosciences tout autant que d’autres. Or, s’il est indispensable que les données démontrées concernant le développement neuropsychologique de l’enfant soient accessibles aux professionnels qui prennent soin d’eux au quotidien, il nous apparaît préjudiciable de ne considérer l’enfant que de ce point de vue.

Et pourquoi priver ce référentiel et ceux qui vont l’utiliser d’autres découvertes et ressources scientifiques (notamment les recherches menées au sein des BabyLab) ? Le référentiel gagnerait sans doute à s’ouvrir à une approche plus intégrative, en accord avec la définition globale du développement du jeune enfant, telle que définie dans le rapport « Développement de l’enfant, modes d’accueil, formation des professionnels » de 2016 : « Les sphères du développement du petit enfant, physique, cognitif, affectif, social, émotionnel sont inséparables. Chaque sphère de son développement interagit sur les autres selon une dynamique en spirale entre affectivité et acquisitions, entre éducation et soin, entre corps et cognition, entre socialité et construction du soi ».

Des prescriptions confuses

Bien au contraire, le référentiel s’inspire en majeure partie de méthodes comportementales. Ainsi, le terme de « renforcement positif » y apparaît à de nombreuses reprises. Nous craignons que certaines pratiques prescrites prêtent à confusion, notamment en ce qui concerne la « gestion des émotions », et le respect des besoins de l’enfant. Par exemple, il est dit à de nombreuses reprises que toutes les émotions, les pleurs et les cris de l’enfant doivent pouvoir être exprimés dans l’espace d’accueil, car ils signalent un besoin « insatisfait » de l’enfant.

Les professionnels n’auraient donc pas pour objectif de « faire cesser les pleurs de l’enfant » (p.31), d’établir le calme » (p.44), ou encore « d’empêcher une colère de s’exprimer » jusqu’au bout (p.45) ? Nous nous interrogeons sur la confusion suscitée par ces prescriptions, et nous inquiétons de difficultés pour les professionnels à s’y retrouver.

Nous nous questionnons également sur la réticence à nommer l’agressivité, pourtant bien réelle, de l’enfant ; et serait-elle à interpréter systématiquement comme un signe de manque d’affection (p.37), un besoin non assouvi (p.38) ou le fruit d’une « imitation empêchée » (p. 35) ? Reconnaître les mouvements d’agressivité du jeune enfant n’est pas banaliser la violence, c’est reconnaître qu’ils font partie du développement et participent d’une « vitalité découvreuse » source d’expérimentation pour le tout-petit, et qui nécessite d’être accompagnée. Pourquoi « évacuer » une telle réalité ? Les professionnels ne vont-ils pas être déstabilisés par un tel déni ?

Citons par ailleurs la fiche concernant l’observation professionnelle des enfants (p. 23 et suivantes) : plusieurs méthodes d’observation existent, qui ne sont pas citées dans le référentiel (Observation selon Esther Bick, Piklérienne, …). Rappelons au passage qu’il est souhaitable d’un point de vue éthique, d’expliquer à un enfant que l’attention portée sur lui a pour but de comprendre ce qui se passe pour lui.

L’équipe/les professionnels ne pourraient-ils librement choisir la méthode à utiliser ou s’inspirer d’une ou plusieurs méthodes pour créer leurs propres cadres et outils d’observation, adaptés au contexte du lieu d’accueil ? L’important est d’expliciter ces références, ces cadres, afin que ces observations soient utiles pour l’amélioration de la compréhension d’un enfant, du groupe et/ou des pratiques.

La place clé des psychologues dans l’accueil du jeune enfant

Rappelons qu’en accueil collectif ou dans les groupes de travail avec des assistants maternels de crèches familiales, l’observation des professionnels est un des outils utilisés en réunion d’équipe avec le psychologue. Sa présence et son observation croisée avec celles des professionnels offrent un accompagnement potentiellement soutenant et éclairant, complémentaire des temps d’analyse des pratiques. Le psychologue (au même titre que d’autres professions et fonctions-clés) n’apparaît cependant ni dans ce passage sur l’observation, ni au sein des fiches pourtant centrées sur la psychologie de l’enfant, des parents et des équipes. Comment les gestionnaires des lieux d’accueil et les équipes vont-ils se saisir de cette absence de référence explicite au sein d’un document si officiel ?

Ainsi, nous soutenons une approche intégrative dans laquelle psychologie positive, comportementale, développementale et psychanalyse peuvent tout-à-fait s’allier dans un débat ouvert bien que complexe, à la hauteur des enjeux humanistes et sociétaux de la petite enfance, de la parentalité et des lieux d’accueil. Cette approche permettrait une application du référentiel plus créative sur le terrain, sans rien céder à l’exigence rigoureuse de la qualité d’accueil et de bien-traitance au sein des lieux d’accueil.


Les psychologues de l’ANAPSY.pe




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