L'accueil par une assistante maternelle : "l'essayer, c'est l'adopter"

" La plupart des parents sont persuadés que le summum de la structure d’accueil est la crèche collective. Ils se rabattent sur les assistantes maternelles en dernier recours. Il faut absolument tordre le coup à ce fantasme ! "

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EPSTEIN, Jean, Assistantes maternelles : un monde extraordinaire

De nombreux parents, mal renseignés, ont une vision tronquée, idéalisée, fantasmée des modes de garde.
Ils plébiscitent la crèche alors que ce mode d’accueil n’est pas forcément le plus approprié pour eux ou pour leur enfant.

Malgré le manque de place en structure collective, c'est ce mode d'accueil qui a souvent leur préférence et ils sont nombreux à s'orienter vers l'accueil des enfants par des assistantes maternelles que par défaut.
Par contre, lorsqu'une famille a eu l'occasion de pratiquer l'accueil par une assistante maternelle, c'est cet accueil qu'elle privilégiera ensuite.

Les enfants se construisent avant tout au travers de leurs interactions avec d'autres humains, le lien qui se tisse entre les enfants et ceux qui veillent sur eux importe plus que la nature de la structure d’accueil.

Mieux vaut une assistante maternelle aimante qu'une crèche impersonnelle.

L'être humain ne naît pas déjà formaté par les rythmes sociaux.
Même les rythmes biologiques ne sont pas acquis à la naissance. Ils se mettent en place petit à petit les premières années.

Pour le bien-être de votre enfant, il est nécessaire de respecter ses rythmes et leurs évolutions.
Il est préférable de l'accompagner en douceur dans l'acquisition de ses rythmes biologiques et dans l'apprentissage des rythmes sociaux.

L'accueil par une assistante maternelle permet plus facilement la personnalisation des rythmes quotidiens et le respect des besoins de l'enfant, de ses moments clés d'acquisition et d'apprentissage.
Ainsi, les temps forts du développement de l'enfant ne se confrontent pas aux contraintes précoces de la collectivité et l'enfant prend le temps de grandir, tout comme la jeune pousse qui est préservée en serre avant d'être transplantée en plein soleil ou en plein froid, le temps de s'être développée et d'avoir acquis de la robustesse.

Certaines personnes se disent que puisque l'enfant vivra dans le monde et en société autant l'habituer au plus vite à ce monde et à cette société.
C'est un peu l'idée que nous retrouvons derrière l'expression "forger le caractère ".
C'est peut-être prendre le problème un peu à l'envers : parce que nous risquons de tomber un jour du 7^ème étage, faut-il s'entraîner à sauter du 1^er et du 2^nd, etc. ?

Avant de leur forger le caractère, laissons le temps aux enfants de se construire, de grandir, de cultiver leurs compétences, d'apprendre à renforcer leurs points forts et à compenser leurs points faibles.

Bien souvent, les parents avancent comme inquiétude à propos de l'accueil par une assistante maternelle, l'épouvantail de la maltraitance.

C'est oublier :

Le tabou de la maltraitance institutionnelle

D'une part, la collectivité n'a jamais mis à l'abri les enfants des maltraitances du fait des individus.

D'autre part, il existe une forme de maltraitance institutionnelle liée :

• au non-respect des rythmes personnels des enfants,
• à la difficulté que peut avoir un enfant à tisser du lien dans le cadre d'un accueil collectif où il est fondu dans la masse et où le personnel qui s'occupe de lui fait l'objet d'un certain turn-over,
• aux nuisances dues au groupe et au nombre voire surnombre d'enfants,
• aux potentielles frictions relationnelles au sein d'une équipe de travail qui se répercutent sur les enfants,
• aux possibles problèmes dus à  de mauvaises conditions de travail, 
• aux manques de moyens matériels et humains...

Les douces violences

La collectivité ne protège pas contre cette dérive relationnelle qui fait que, à un moment donné, l'adulte néglige le lien avec l'enfant et perd de vue le respect du à l'enfant.
Un moment où l'accordage entre l'enfant et l'adulte s'émousse et où l'enfant va faire l'objet de paroles désobligeantes ou va subir des actes inadéquats qui vont le mettre en insécurité affective.

Cette dérive relationnelle tant d’écrite par Françoise Dolto, appelée suite au succès du livre de Christine Schuhl "douce violence" , qui n’est pas perçu comme de la maltraitance, parfois même pas tout à fait comme de la négligence mais qui n’est pas de la bientraitance, est à l’origine d’une forme insidieuse d’altération de la relation aux impacts nocifs sur la construction et le développement de l’enfant, sur son bien-être.

Cette dérive aux causes multiples est souvent pointée comme le point noir de l’accueil collectif.

Lors de l’accueil par une assistante maternelle, le lien d’attachement plus personnel et souvent plus fortement tissé avec l’enfant semble, non pas écarter toute forme de douce violence, mais en être un frein.

La violence éducative ordinaire - VEO

La VEO, est la violence, physique ou psychologique ou verbale, utilisée envers les enfants, communément admise pour faire "obéir" et pour "éduquer" les enfants.
Elle est liée à l'idée que les enfants sont comme des "petits animaux" qu'il convient de "dresser" ou des "enfants sauvages" qu'il convient de "corriger".

Généralement, les adultes reproduisent avec les enfants, consciemment ou inconsciemment, ce qu'ils ont vécu étant eux-mêmes enfants. Ceci, et/ou par habitude et manque de réflexion, et/ou par impossibilité de remettre en question leurs parents ou leurs propres éducateurs, et/ou par conviction pédagogique obsolète, et/ou par méconnaissance des alternatives à ces VEO.

L'expérience révèle que les VEO sont tout à fait contre productives vis à vis des objectifs éducatifs proclamés.

Aujourd'hui, les recherches, en physiologie et psychologie du développement, en neurosciences et en éthologie humaine, ont mis en évidence le fait que les VEO altèrent le développement de l'enfant et son comportement et nuisent à son potentiel d'apprentissage.
De même au niveau social, les VEO ont des conséquences sur la transmission sociale de la violence.

C'est au regard de ces avancées dans l'étude du développement et de l'éthologie humaine que la LOI n° 2019-721 du 10 juillet 2019 relative à l'interdiction des violences éducatives ordinaires a été promulguée

" L'autorité parentale s'exerce sans violences physiques ou psychologiques "

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C. civ., art. L 371-1

Cependant, la violence éducative ordinaire est encore, trop souvent, présente dans tous les lieux d'éducation. Elle est même parfois "institutionnalisée" et érigée en règles.

Une formation professionnelle de qualité doublée d'un travail sur le "savoir être" doit sensibiliser et aider le professionnel de l'accueil de la petite enfance à ne pas utiliser les VEO avec les enfants.

Il est nécessaire au regard des connaissances actuelles en neurosciences, en physiologie et psychologie du développement de l'enfant, d'inscrire l'objectif de prévention des violences éducatives ordinaires dans les prérequis de toute formation de professionnel de le petite enfance.
En ce qui concernent les assistantes maternelles, il est désormais prévu dans leur formation à la prévention des VEO :

" Une initiation aux gestes de secourisme, à la prévention des violences éducatives ordinaires "

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CASF, art. L 421-14, al. 2

La réflexion professionnelle et la réflexivité professionnelle sont une nécessité

Outre une formation à propos des VEO qui permet de constituer un savoir professionnel, il est nécessaire dans une pratique professionnelle réfléchie de construire aussi un savoir être qui ne s'émousse pas au fils du temps et des aléas de la vie professionnelle.

De plus en plus de RAM proposent des temps d'analyses des pratiques professionnelles aux assistantes maternelles.

Ces séances sont un espace d’accueil et de mise en mots du vécu professionnel en lien à la relation éducative et à ses difficultés. Elles favorisent l’expression et la reconnaissance des différences de points de vue dans la mise en œuvre des actions éducatives. Elles soutiennent les assistantes maternelles, elles leur permettent de faire le lien les savoirs théoriques et les savoirs être, les expériences pratiques.
Ces échanges professionnels permettent l'élaboration d'une culture professionnelle commune et de travailler sur la posture professionnelle.

Ces temps d'analyses des pratiques professionnelles renforcent le développement des compétences professionnelles et stimulent la motivation professionnelle.

Ils sont l'outil d'une professionnalisation du métier d'assistante maternelle.

La qualité du lien relationnel est ce qui importe

En résumé, la maltraitance individuelle peut exister même en collectivité et la maltraitance institutionnelle est un tabou dont on parle peu mais qui existe.
Quant aux douces violences, elles sont du fait de tous.

La qualité du lien tissé entre l'enfant et l'adulte référent qui l'accueille est le meilleur garde-fou pour éviter douce violence et maltraitance.

Le tout-petit a des besoins spécifiques, outre des besoins de soins et d'éducation, il a aussi besoin de temps de maternage.

L'accueil collectif, quand il ne récuse pas ces temps-là, reste peu propice à ce maternage dont l'enfant a besoin pour s'enraciner et construire son socle de sécurité affective.
Mais pas seulement : nous savons aussi maintenant que de nombreux processus neurologiques et comportementaux se construisent par le biais de ces temps de maternage.

Les assistantes maternelles sont plus sensibles aux processus d'attachement avec l'enfant et souvent plus prodigues en temps de maternage.

Un des points, souvent évoqué par les parents pour plébisciter l'accueil en crèche c'est l'idée qu'en crèche l'enfant " fait des choses " et ne " fait pas grand chose " chez une assistante maternelle.

Certains parents apprécient que l'emploi du temps de leur enfant soit chargé et qu'il y soit fait mention d'atelier d'éveil ou d'atelier dirigé, d'atelier pratique, d'atelier psychomotricité, de temps pédagogique, etc…
Mais, d'une part, l'enfant a besoin de temps d'observation puis de maturation ainsi que de temps de rêveries et de vide qu'il comble avec ce qui vient de lui, sa propre histoire, sa propre vie psychique ;
d'autre part, l'enfant cultive plus de ressources cognitives, physiques et émotionnelles en étant l'acteur premier de son développement qu'en ingurgitant de activités imposées ne correspondant pas souvent à ses compétences et à ses besoins.

De plus, " le faire " ne se limite pas à un apprentissage académique et déconnecté du réel.
Dans le milieu familial de l'assistante maternelle, l'enfant, dans la vie quotidienne, découvre milles et une chose qu'il ne découvrira pas dans la salle d'atelier pédagogique.
Les gestes du quotidien sont une source riche et intarissable d'observations, de découvertes et d'apprentissages, en prises directe avec le réel.

Bien évidement, des mots " savant " ne seront pas mis sur ces apprentissages, ils ne feront pas l'objet de projets pédagogiques et de réunions, de débriefings d'activités mais pour autant ces apprentissages enracinés dans la vie quotidien sont fondateurs.

Et c'est pourquoi, tout comme Monsieur Jourdan "faisait de la prose sans le savoir", les assistantes maternelles font beaucoup d'activités d'éveil et pédagogiques sans le savoir ou plutôt, sans savoir le faire savoir.

L'ultime argument du parent qui a des idées préconçues en faveur de la crèche, c'est l'argument de la socialisation.
La crèche socialiserait mieux les enfants que l'accueil chez une assistante maternelle.

Curieuse idée qui donne à croire que la socialisation ne pourrait se faire qu'au sein d'un grand groupe et de façon horizontale, entre pairs.

Au contraire, le petit groupe permet une médiatisation des relations entre enfants qui les soutient dans l'approche de l'autre et la mise en relation, ce de façon confiante et apaisée. Les échanges de bons procédés, voie vers l'apprentissage du respect mutuel et de l'urbanité, sont favorisés par le petit groupe.

De plus, souvent les enfants accueillis par une assistante maternelle n'ont pas le même âge alors qu'en crèche les groupes sont plus souvent d'âge homogène.

Hors le regroupement des enfants selon l'âge a démontré ses limites et les bienfaits de l'approche éducative multi-âge ne sont plus à démontrer : les enfants apprennent mieux des autres enfants un peu plus grands que des adultes. Ils partagent en effet une zone commune de leur développement, cet échange entre enfant en cours d'acquisition d'une compétence et enfant ayant acquis cette compétence permet aux enfants d'aller plus loin dans leur développement (notion de zone proximale de développement de Vigostsky).
Les plus petits expérimentent en cherchant à imiter les plus grands, les enfants apprennent à être moins en compétition et plus en coopération du fait que la concurrence inter-âge est moins forte, les enfants sont moins agressifs et prennent soin des plus petits, les enfants comprennent mieux les notions de temps et d'évolution, ils se sentent plus valorisés dans le fait de grandir.

Enfin la socialisation n'est pas que le fait d'être en contact avec des pairs du même âge ou presque.
La socialisation doit se faire tant sur un axe vertical qu'horizontal.

Chez l'assistante maternelle, outre la relation aux autres enfants accueillis, les enfants apprendront à se socialiser au contact des membres adultes ou des enfants de la famille de l'assistante maternelle, au contact des visiteurs ou des personnes rencontrées lors de sorties extérieures.

Quant au fratries, elles sont plus respectées en accueil chez une assistante maternelle qu'en accueil collectif.

Finalement, la diversité du milieu relationnel dans le cas de l'accueil chez une assistante maternelle est bien plus propice à la socialisation que ce qui est dit et que dans beaucoup de crèches.

Il ne s'agit pas de dénigrer l'accueil collectif :

Certains parents et en particulier certaines mamans culpabilisent beaucoup de recommencer à travailler et laisser leur enfant à un tiers. L'accueil par une assistante maternelle, c'est toucher à une part d'intime qui n'existe pas en crèche et la tentation de la jalousie entre parent et assistante maternelle est plus grande. Dans ce cas, l'accueil en crèche est plus facile, non pour l'enfant mais pour le parent.

Les enfants les plus grands et les plus autonomes, physiquement, psychiquement et émotionnellement robustes ou dans une certaine norme convenue et attendue peuvent profiter et s'épanouir dans un accueil de type collectif.

Mais pour la plupart des tout-petits, il vaut mieux être accueilli par une assistante maternelle suffisamment bonne que par une bonne crèche.

Alors plutôt que d'avoir des politiques qui privilégient l'accueil en collectivité au sein des EAJE, peut-être pourrions-nous mieux former et mieux accompagner les assistantes maternelles afin que les enfants puissent bénéficier de "leur monde merveilleux" pour reprendre l'expression chère à Jean Epstein.

• Rédigé par MaM
• 09/08/2013 date de première publication

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   - "Gabrielle et Jean" CC0 by Auguste Renoir - 1895